Target intègre le shopping directement dans ChatGPT. Que peuvent en apprendre les retailers français et belges pour bâtir un commerce réellement intelligent ?

Quand le shopping rencontre ChatGPT : la leçon Target
Alors que Noël 2025 approche et que les pics de trafic se préparent dans tous les magasins, un signal fort vient des États‑Unis : Target lance une expérience de shopping conversationnel directement dans ChatGPT. Autrement dit, l’acte d’achat se déplace là où le client discute déjà , sans passer par un site ou une app dédiée.
Pour tous les acteurs du retail français et belge, engagés dans la transformation digitale, ce mouvement n’est pas anecdotique. Il illustre une tendance lourde de l’intelligence artificielle dans le commerce de détail : l’IA ne se contente plus de recommander des produits, elle devient une interface de vente complète, intégrée à l’écosystème quotidien des consommateurs.
Dans ce billet de notre série « L’Intelligence Artificielle dans le Commerce de Détail », nous allons analyser ce que fait Target avec ChatGPT, en quoi c’est différent d’un simple chatbot, et surtout ce que les retailers français et belges peuvent en tirer comme enseignements concrets pour leurs propres stratégies de commerce intelligent.
1. Que fait réellement Target avec ChatGPT ?
Target ne lance pas « un chatbot de plus ». Le distributeur déploie une véritable expérience d’application de shopping à l’intérieur de ChatGPT.
Concrètement :
- Le client reste dans l’interface ChatGPT.
- Il « tague » Target et formule un besoin en langage naturel, par exemple : « Aide-moi à organiser une soirée film de Noël en famille ».
- L’app Target dans ChatGPT propose une sélection de produits cohérente : plaids, bougies, snacks, chaussons, etc.
- Le client peut :
- parcourir les options,
- construire un panier multi‑produits,
- choisir son mode de retrait (drive, click & collect, livraison),
- finaliser l’achat en une seule transaction.
Ă€ terme, Target promet :
- des recommandations personnalisées,
- la possibilité de composer des paniers complets (repas, événements, listes cadeaux),
- une intégration fluide entre l’expérience conversationnelle et la logistique (stock, délais, points de retrait).
La finalité affichée par Target : « rendre la découverte de produits aussi naturelle et inspirante qu’une discussion avec un ami ».
Ce n’est pas juste un nouveau canal marketing ; c’est une nouvelle façon de penser le parcours client, centrée sur la conversation plutôt que sur la navigation par menus et filtres.
2. Pourquoi cette approche de l’IA est stratégique pour le retail
Cette innovation coche plusieurs cases clés de la transformation du retail par l’IA : personnalisation, omnicanal, simplification de l’acte d’achat.
2.1. Du parcours linéaire au parcours conversationnel
Historiquement, le parcours digital ressemble Ă ceci :
- Le client ouvre le site ou l’app.
- Il navigue dans des menus, applique des filtres.
- Il ajoute des produits au panier.
- Il choisit son mode de livraison ou de retrait.
Avec un parcours conversationnel IA :
- Le client exprime un besoin, pas un produit : « Je reçois des amis ce week-end, aide-moi à préparer apéro + brunch ».
- L’IA comprend l’intention, les contraintes (budget, allergies, style, météo…).
- Elle propose directement un panier optimisé.
- Le client ajuste par la conversation : « Remplace les boissons gazeuses par des jus », « Ajoute des options végétariennes ».
Résultat :
- moins de friction,
- plus de valeur perçue, car le distributeur « réfléchit » à la place du client,
- une expérience omnicanale fluide quand les modes de retrait et de livraison sont intégrés.
2.2. L’IA comme moteur de commerce, pas seulement comme gadget
Dans le cas de Target, l’IA ne sert pas uniquement à « inspirer » ou à « discuter » :
- elle est connectée au catalogue, aux stocks, aux services logistiques,
- elle permet de finaliser une transaction complète sans sortie de l’interface ChatGPT,
- elle s’appuie sur ChatGPT Enterprise en interne pour accélérer les processus et mieux exploiter la donnée.
Pour un retailer, cela change la donne :
- l’IA devient un levier direct de chiffre d’affaires,
- elle contribue Ă la gestion intelligente des stocks (en poussant ce qui est disponible et pertinent),
- elle renforce la cohérence de l’expérience client entre le digital et le magasin.
3. Quelles leçons pour les retailers français et belges ?
Même si le contexte US et l’écosystème français / belge diffèrent, plusieurs enseignements sont immédiatement transposables.
3.1. Aller là où est le client, pas l’inverse
Target part d’un constat simple : les consommateurs passent déjà du temps dans des interfaces conversationnelles. Plutôt que de les forcer à venir sur une énième application, la marque s’invite dans leur environnement naturel.
Pour un retailer français ou belge, cela peut signifier :
- expérimenter avec des expériences IA dans des outils déjà utilisés par les clients (assistants vocaux, messageries, interfaces IA),
- repenser la stratégie d’app mobile : doit‑elle être au centre, ou devenir un « moteur » branché à plusieurs interfaces conversationnelles ?
3.2. Penser en « cas d’usage de vie » plutôt qu’en catégories produits
L’exemple de la soirée film de Noël est parlant : Target ne pousse pas une catégorie (textile, alimentaire, déco), mais un moment de vie.
Pour le marché français / belge, on peut imaginer des cas d’usage :
- « Organise-moi un apéro de Nouvel An pour 8 personnes avec budget de 60 € »,
- « Prépare le cartable complet pour une rentrée au CP »,
- « Compose une garde-robe capsule pour l’hiver, style casual chic, taille 40 »,
- « Liste d’achats pour une raclette entre collègues, 6 personnes dont 2 végétariens ».
C’est exactement là que l’IA conversationnelle apporte une valeur différenciante : elle traduit ces besoins complexes en liste de produits structurée, personnalisée et prête à être commandée.
3.3. Raccorder l’IA au back‑office : la clé du commerce intelligent
Sans connexion au back‑office, un agent IA reste un outil de recommandation incomplet. L’exemple Target montre l’importance de :
- brancher l’IA sur :
- le référentiel produits (PIM),
- les stocks temps réel,
- les règles de prix et de promotions,
- les modes de fulfilment (drive, click & collect, livraison Ă domicile),
- définir des garde‑fous métier : seuils de stock, produits à ne pas recommander dans certains contextes, contraintes légales (alcool, produits dangereux, etc.).
C’est cette intégration qui transforme une simple expérience « waouh » en brique solide de commerce omnicanal.
4. Comment vous inspirer de Target pour votre roadmap IA
Passer d’un site e‑commerce classique à un commerce conversationnel intelligent ne se fait pas en un trimestre. Mais il est possible d’avancer par étapes structurées.
4.1. Étape 1 – Cartographier vos cas d’usage prioritaires
Commencez par identifier 3 à 5 scénarios où l’IA conversationnelle aurait un impact immédiat sur :
- la conversion,
- le panier moyen,
- la satisfaction client,
- la réduction du temps passé en service client.
Exemples typiques :
- accompagnement à la préparation de repas (GSA, frais, boissons),
- aide au choix de produits techniques (électroménager, high‑tech),
- configuration d’ensembles vestimentaires ou de looks complets,
- constitution de listes cadeaux pour Noël, anniversaires, fêtes des mères/pères.
4.2. Étape 2 – Structurer la donnée produit pour l’IA
Une IA ne peut recommander intelligemment que si la donnée produit est propre, structurée et riche :
- attributs complets (tailles, matières, usages, compatibilités),
- visuels harmonisés,
- informations logistiques (delais, stock par point de vente),
- tags « moments de vie » ou « cas d’usage » (soirée, sport, bureau, voyage, etc.).
Investir dans la qualité de la donnée est souvent la condition numéro un pour réussir un projet de commerce intelligent.
4.3. Étape 3 – Prototyper une expérience conversationnelle
Avant d’envisager une intégration poussée dans un agent IA externe, il est pertinent de :
- créer un agent conversationnel pilote sur un canal contrôlé (site, app, callbot),
- limiter le périmètre (une catégorie, un cas d’usage, un persona client),
- mesurer :
- le taux de conversion après interaction,
- le panier moyen,
- le taux de satisfaction,
- l’impact sur les contacts au service client.
Cette phase pilote vous permettra de :
- affiner le ton, le niveau de guidance, les scénarios de fallback,
- identifier les lacunes de données,
- préparer une extension vers des environnements tiers (interfaces IA, messageries, etc.).
4.4. Étape 4 – Outiller les équipes internes avec l’IA
Target met également en avant l’usage de ChatGPT Enterprise en interne pour :
- accélérer les workflows,
- simplifier la documentation,
- analyser les données,
- libérer du temps pour la créativité et la relation client.
Pour un retailer français ou belge, cela peut se traduire par :
- des assistants IA pour les équipes merchandising (analyse des ventes, détection de tendances),
- des copilotes pour les équipes marketing (rédaction de fiches produits, d’e‑mails, d’animations commerciales),
- des outils d’aide à la décision pour la gestion des stocks prédictive et le pricing dynamique.
On reste alors dans la logique de commerce intelligent : l’IA au service autant des équipes que des clients.
5. Points de vigilance : confiance, éthique et cadre réglementaire
Avant de se lancer dans une expérience de type Target + ChatGPT sur le marché français ou belge, plusieurs sujets méritent une attention particulière.
5.1. Transparence et contrĂ´le pour le client
Un agent conversationnel qui vend engage fortement la responsabilité de l’enseigne. Il doit :
- être clairement identifié comme assistant IA,
- permettre au client de vérifier, ajuster, supprimer facilement les produits recommandés,
- éviter les formulations manipulatrices ou agressives.
5.2. Protection des données et conformité européenne
Dans un contexte européen, tout projet de ce type doit :
- respecter strictement le RGPD,
- clarifier quelles données sont partagées avec quels acteurs,
- encadrer l’usage des données pour l’entraînement des modèles,
- anticiper les évolutions réglementaires autour de l’IA.
Travailler avec des partenaires technologiques capables de concilier innovation et conformité devient un critère clé.
5.3. Gouvernance de l’IA et supervision humaine
Même dans une expérience très automatisée, l’humain doit garder :
- un droit de regard sur les règles métiers,
- des mécanismes d’escalade vers un conseiller humain,
- une capacité à analyser les décisions prises par l’IA (explicabilité minimale).
C’est à ce prix que l’intelligence artificielle dans le commerce de détail restera un facteur de confiance plutôt qu’une source d’anxiété pour les clients.
Conclusion : le shopping conversationnel, prochaine étape du commerce intelligent
L’initiative de Target dans ChatGPT montre une chose clairement : l’IA conversationnelle est en train de devenir un véritable canal de vente, pas seulement un gadget expérimental. En associant recommandations intelligentes, panier multi‑produits et intégration omnicanale, le distributeur pose un jalon important dans la transformation du retail.
Pour les enseignes françaises et belges, le sujet n’est plus de se demander « Faut‑il faire de l’IA ? » mais « Comment organiser notre commerce pour qu’il fonctionne avec et grâce à l’IA ? » : structuration de la donnée, cas d’usage orientés vie réelle, intégration au back‑office, accompagnement des équipes.
La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de progresser étape par étape, en commençant par des pilotes ciblés. La question à se poser dès maintenant est simple :
Sur quel cas d’usage concret de votre enseigne aimeriez‑vous que vos clients puissent dire dès l’hiver prochain : « Je n’ai eu qu’à en parler à mon assistant, et tout était prêt » ?
C’est là que commence, très concrètement, votre propre trajectoire vers le commerce intelligent.