Comment Ahold Delhaize fait de l’IA un levier business

L'IA dans le Retail Belge: Commerce IntelligentBy 3L3C

Ahold Delhaize réduit la fragmentation de ses projets IA pour se concentrer sur quelques processus clés. Une feuille de route inspirante pour le retail belge.

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Comment Ahold Delhaize fait de l’IA un levier business

Dans le retail belge, l’intelligence artificielle n’est plus un sujet de conférence, mais un outil de terrain qui doit générer des résultats mesurables. La récente prise de position d’Ahold Delhaize – maison mère notamment d’Albert Heijn et de bol – illustre bien ce tournant : fini les expérimentations dispersées, place à quelques processus opérationnels clés où l’IA crée un impact concret.

Dans le cadre de notre série « L’IA dans le Retail Belge : Commerce Intelligent », ce billet décrypte ce positionnement de « smart follower » et ce qu’il signifie pour les détaillants belges : comment passer des POC sympathiques à une création de valeur durable en magasin, en logistique et en e‑commerce.

Nous verrons comment Ahold Delhaize utilise déjà l’IA (réduction des kilomètres de livraison, lutte contre le gaspillage), pourquoi la concentration des projets est devenue stratégique, et surtout comment les retailers belges – grands et moyens – peuvent s’inspirer de cette approche pour leur propre feuille de route IA.

1. De l’expérimentation à l’impact : le tournant d’Ahold Delhaize

Ces dernières années, Ahold Delhaize a multiplié les initiatives d’intelligence artificielle dans différents domaines : prévision de demande, optimisation logistique, lutte contre le gaspillage alimentaire, personnalisation marketing, etc. Un exemple souvent cité : les algorithmes de routage mis en place chez bol, qui ont permis de réduire d’environ 6 % les kilomètres parcourus par le service de livraison.

Pour un géant de la distribution, 6 % de kilomètres en moins, cela signifie :

  • une baisse directe des coûts de transport (carburant, maintenance, temps de travail) ;
  • un impact positif sur l’empreinte carbone ;
  • une meilleure ponctualité des livraisons et donc une satisfaction client accrue.

Mais malgré ces succès ponctuels, la direction a identifié un risque : celui d’une fragmentation des initiatives. Trop de petits projets d’IA, isolés dans des entités ou des pays différents, sans priorisation claire ni alignement avec les grands objectifs business.

L’enjeu n’est plus de montrer que l’IA peut fonctionner, mais de décider elle doit absolument fonctionner.

Lors d’une réunion stratégique, Ahold Delhaize a donc décidé de recentrer ses efforts sur quelques processus cœur : des blocs opérationnels lourds, communs à plusieurs enseignes, où l’IA peut générer des gains significatifs et réplicables.

2. « Smart follower » : une stratégie réaliste pour le retail belge

Le PDG Frans Muller décrit l’ambition du groupe comme celle d’un « smart follower » en matière d’IA. Cette posture est très intéressante pour les détaillants belges, souvent pris entre la pression des géants globaux et la réalité de budgets plus limités.

Qu’est-ce qu’un « smart follower » en IA ?

Être un « smart follower », ce n’est pas renoncer à l’innovation. C’est :

  • observer les cas d’usage qui fonctionnent vraiment sur le marché ;
  • sélectionner ceux qui ont le plus de potentiel pour son propre modèle ;
  • industrialiser rapidement les solutions les plus prometteuses ;
  • éviter de réinventer la roue sur des briques technologiques déjà matures.

En d’autres termes, il s’agit de mettre les moyens là où le ROI est le plus clair, au lieu de se disperser dans des projets vitrines.

Pourquoi cette approche est pertinente en Belgique

Pour le retail belge, cette stratégie de suiveur intelligent présente plusieurs avantages :

  • Les coûts de développement sont maîtrisés : on s’appuie sur des solutions déjà éprouvées.
  • Le risque de se tromper de cas d’usage est réduit : on investit sur des usages qui ont démontré leur impact ailleurs.
  • On peut adapter rapidement ces solutions à la réalité locale : réglementation, habitudes de consommation belges, spécificités logistiques.

Cette posture est particulièrement adaptée aux enseignes alimentaires, aux chaînes spécialisées et aux pure players belges qui veulent profiter de l’IA sans se transformer en laboratoire de R&D.

3. Les processus opérationnels à fort impact pour l’IA retail

Ahold Delhaize l’a bien compris : pour que l’IA devienne un levier de performance, il faut la concentrer sur quelques grands processus opérationnels. Pour le retail belge, quatre domaines se dégagent clairement.

3.1. Gestion des stocks et prévision de la demande

C’est le terrain de jeu numéro un de l’intelligence artificielle dans le commerce alimentaire.

L’IA permet de :

  • améliorer la prévision de la demande en intégrant plus de variables (météo, calendrier, promotions, événements locaux, données historiques, tendances web) ;
  • ajuster automatiquement les commandes aux fournisseurs par magasin ou par entrepôt ;
  • réduire les ruptures de stock sur les produits à forte rotation ;
  • limiter les surstocks sur les produits frais et donc le gaspillage alimentaire.

Pour un retailer belge, même quelques points de pourcentage de réduction de casse sur les produits frais représentent des centaines de milliers d’euros par an et un progrès notable en matière de durabilité.

3.2. Logistique et optimisation des tournées

L’exemple de bol illustre bien l’impact possible. En combinant IA et données en temps réel, un retailer peut :

  • optimiser ses tournées de livraison (e‑commerce alimentaire, non-food, B2B) ;
  • regrouper plus intelligemment les commandes par zone ;
  • réduire les kilomètres parcourus, le temps passé en trafic, les retards.

En période de pics comme Black Friday, les fêtes de fin d’année ou les promotions massives (par exemple les « 2 + 5 gratuits » vues chez Albert Heijn), cette optimisation devient critique pour tenir la promesse client sans exploser les coûts.

3.3. Pricing dynamique et promotions intelligentes

Dans un contexte de pression sur le pouvoir d’achat et de hausse des coûts, l’IA devient un allié précieux pour :

  • ajuster les prix en temps quasi réel en fonction de la demande, de la concurrence et des stocks ;
  • construire des mécaniques promotionnelles plus rentables (seuils, quantités, combinaisons produits) ;
  • identifier les promotions destructrices de marge et les remplacer par des offres plus intelligentes.

Le tout doit évidemment rester conforme à la réglementation belge et lisible pour le consommateur. L’IA n’est pas un permis de faire n’importe quoi, mais un outil pour affiner une politique commerciale déjà définie.

3.4. Personnalisation client et omnicanal intelligent

Dernier bloc majeur : la personnalisation de la relation client.

L’IA permet de :

  • recommander des produits pertinents selon le profil, l’historique d’achat et le canal (app, e‑shop, magasin) ;
  • adapter les coupons et offres au panier réel du client plutôt qu’aux seules promos du moment ;
  • orchestrer une expérience vraiment omnicanale : continuité entre les tickets de caisse, l’app, les e‑mails et les parcours en magasin.

Pour les détaillants belges, cela signifie un marketing plus fin, moins intrusif, centré sur la valeur pour le client plutôt que sur la seule pression promotionnelle.

4. Comment s’inspirer d’Ahold Delhaize : feuille de route pratique

Concrètement, comment un retailer belge – qu’il s’agisse d’une enseigne nationale, d’un groupe de franchisés ou d’un acteur régional – peut-il reprendre cette logique de « smart follower » et de focus sur quelques processus IA ?

Étape 1 : cartographier les processus critiques

Commencez par identifier vos processus cœur, là où quelques points de performance en plus feraient une vraie différence :

  • approvisionnement et gestion des stocks ;
  • préparation de commandes et livraison ;
  • pricing et promotions ;
  • relation client et fidélisation.

L’objectif est d’établir une carte d’impact : où l’IA pourrait-elle générer des gains sensibles de chiffre d’affaires, de marge, de coûts ou de satisfaction client ?

Étape 2 : prioriser 2 à 3 cas d’usage maximum

Plutôt que de lancer 10 POC en parallèle, choisissez 2 ou 3 cas d’usage prioritaires pour les 12 prochains mois, par exemple :

  1. un modèle de prévision des ventes sur les produits frais ;
  2. un moteur de recommandation pour l’app de fidélité ;
  3. un algorithme d’optimisation de tournées pour la livraison à domicile.

Cette focalisation permet :

  • de mobiliser vraiment les équipes (IT, métier, magasins) ;
  • de mesurer correctement les résultats ;
  • d’industrialiser plus vite ce qui fonctionne.

Étape 3 : s’appuyer sur des briques existantes

Être un smart follower, c’est aussi tirer parti de l’écosystème :

  • fonctionnalités IA intégrées aux ERP, WMS, TMS ou solutions e‑commerce déjà en place ;
  • modules d’IA proposés par les fournisseurs de solutions retail ;
  • partenariats avec des startups spécialisées en IA retail.

Vous n’avez pas besoin de construire votre propre modèle d’IA de A à Z pour chaque problème. L’essentiel est de bien définir le problème business et les indicateurs de succès.

Étape 4 : cadrer la gouvernance, les données et l’éthique

Ahold Delhaize insiste sur la réduction de la fragmentation. Pour vous, cela signifie :

  • mettre en place une gouvernance IA claire (qui décide, qui valide, qui exploite ?) ;
  • assainir vos données (qualité, unification, sécurité) ;
  • documenter les règles d’usage de l’IA, notamment sur :
    • la transparence vis-à-vis du client ;
    • la non-discrimination (éviter les biais dans le scoring) ;
    • la protection des données personnelles.

Cette rigueur est indispensable pour que l’IA devienne un véritable axe de commerce intelligent, et non une source de risques.

5. L’IA dans le retail belge : vers un commerce vraiment intelligent

Le choix d’Ahold Delhaize de se concentrer sur des projets d’IA à fort impact et d’adopter une posture de « smart follower » illustre bien l’entrée du retail dans une nouvelle phase : celle de l’industrialisation de l’intelligence artificielle.

Pour l’écosystème belge, c’est une opportunité :

  • s’inspirer des grands groupes pour définir ses propres priorités IA ;
  • trouver le bon équilibre entre innovation et pragmatisme business ;
  • faire de l’IA un levier de rentabilité, de durabilité et d’expérience client.

Dans la série « L’IA dans le Retail Belge : Commerce Intelligent », cette étude de cas Ahold Delhaize rappelle qu’il ne s’agit plus de savoir si l’IA changera le commerce, mais comment chaque détaillant va la déployer, à quel rythme et sur quels processus clés.

La question à vous poser aujourd’hui est simple :

Sur quels deux ou trois processus votre enseigne pourrait-elle, dès 2026, faire la différence grâce à l’IA ?

La réponse à cette question sera le point de départ de votre propre stratégie de commerce intelligent.

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