Foodprepper, la boîte repas ultrarapide de Smartmat, révèle comment l’IA peut transformer l’ultraconvenience en véritable levier stratégique pour le retail belge.

Quand la boîte repas devient intelligente
En cette fin novembre 2025, en plein rush du Black Friday et à l’approche des fêtes, une ressource manque cruellement aux ménages belges : le temps. C’est précisément sur ce terrain que Smartmat, filiale de Colruyt Group, lance Foodprepper, présentée comme « la boîte repas la plus rapide du pays ». Mais derrière l’ultraconvenience se joue un enjeu beaucoup plus stratégique pour le retail belge : comment combiner service, rentabilité et personnalisation à grande échelle ?
Dans le cadre de notre série « L’IA dans le Retail Belge : Commerce Intelligent », Foodprepper est un excellent cas d’école. Ce nouveau concept de meal prep industriel illustre comment les données, l’automatisation et, de plus en plus, l’intelligence artificielle permettent de réinventer l’offre alimentaire : moins de friction pour le client, moins de gaspillage pour le retailer, plus de valeur pour la chaîne entière.
Ce billet propose une lecture business de Foodprepper :
- pourquoi l’ultraconvenience explose en Belgique,
- comment un modèle de meal prep peut s’optimiser grâce à l’IA,
- et ce que les enseignes – grandes ou petites – peuvent en retenir pour leurs propres stratégies.
Foodprepper : de la cuisine familiale au laboratoire d’ultraconvenience
L’histoire de Foodprepper ne commence pas dans un incubateur technologique, mais dans une cuisine familiale. Tessa van Meerten et son partenaire ont d’abord imaginé la préparation des repas de la semaine comme une solution à leur propre charge mentale : soupes, salades, snacks et plats prêts à assembler, préparés le week-end pour tenir cinq jours.
Avec le Covid, cette routine se transforme en modèle économique : la demande pour des repas prêts à consommer mais perçus comme « faits maison » explose. Smartmat, déjà propriétaire de Foodbag, y voit une complémentarité stratégique :
- Foodbag : la boîte repas classique, orientée cuisine plaisir, inspiration, temps passé derrière les fourneaux.
- Foodprepper : la réponse à la contrainte temps, pour les soirs de semaine où « on n’a pas le temps mais on veut mieux qu’un surgelé ».
Ce duo illustre un mouvement structurant du retail alimentaire belge :
Ne plus proposer une offre unique, mais une palette de solutions temps/effort adaptée aux micro-moments de vie du client.
Pour passer de la cuisine d’un couple à un service à l’échelle nationale, il ne suffit pas d’industrialiser les recettes. Il faut orchestrer prévisions de demande, sourcing, production ultra-fraîche, logistique fine et expérience client fluide. Et c’est précisément là que l’IA devient un levier décisif.
Pourquoi l’ultraconvenience bouscule tout le retail alimentaire
Un consommateur belge sous pression… mais exigeant
Les données de consommation le montrent depuis plusieurs années :
- Les ménages belges cuisinent moins souvent en semaine, mais restent très attachés à la qualité et à la fraîcheur.
- La pandémie a durablement installé les services de livraison, les boxes repas et le e-commerce alimentaire dans les habitudes.
- La sensibilité au budget et au gaspillage s’est accentuée avec l’inflation et les préoccupations environnementales.
L’ultraconvenience à la Foodprepper coche ces cases :
- gain de temps (pas de planification, très peu de préparation),
- maîtrise des portions (moins de gaspillage, budget prévisible),
- perception de « cuisine maison assistée » plutôt que plat tout préparé.
Pour le retailer : opportunité… et casse-tête opérationnel
Pour les enseignes comme Colruyt Group, ces nouveaux services sont une formidable opportunité de fidélisation et de différenciation, mais aussi un défi :
- Les cycles sont courts : un décalage dans la prévision de la demande et c’est soit de la rupture, soit du gaspillage.
- Les recettes changent souvent : cela complique la planification de la production et des achats.
- Le client exige une expérience sans friction : interface claire, personnalisation, suivi de commande, etc.
Impossible de gérer cela à la main, surtout quand on parle de milliers de clients, de dizaines de recettes et d’un réseau logistique national. C’est là que la logique de commerce intelligent, piloté par la donnée et l’IA, devient indispensable.
Comment l’IA peut booster un concept comme Foodprepper
Même si Smartmat ne dévoile pas l’intégralité de ses coulisses technologiques, on peut cartographier les principaux leviers IA autour d’un service de meal prep industriel.
1. Prévision de la demande et planification des menus
Un concept comme Foodprepper repose sur des menus hebdomadaires. L’IA peut apporter plusieurs briques :
- Prévisions de ventes fines par recette, par zone et par canal, en combinant historique, météo, calendrier (ex : rentrée, fêtes, mois de janvier « healthy ») et campagnes marketing.
- Aide Ă la construction de la carte : algorithmes de recommandation qui identifient les combinaisons de recettes les plus attractives selon les profils (familles, solos, flexitariens, etc.).
- Simulation de scénarios de prix pour ajuster le positionnement entre Foodbag, Foodprepper et les offres concurrentes.
Résultat :
- moins de surproduction,
- un meilleur taux de conversion sur les recettes proposées,
- une meilleure rotation des ingrédients sensibles.
2. Optimisation des achats et des stocks frais
La promesse de Foodprepper – des préparations ultra-fraîches, prêtes en quelques minutes – impose une logistique quasi « just in time ». L’IA peut :
- Anticiper les besoins en matières premières en fonction des prévisions de commandes, avec réajustement quotidien.
- Identifier les substitutions possibles (par exemple remplacer une variété de légume par une autre proche) quand une rupture fournisseur se profile.
- Optimiser les dates limites de consommation en orientant certaines références vers des recettes ou des offres promotionnelles ciblées.
Pour un groupe comme Colruyt, cette optimisation peut se brancher sur l’ensemble de la chaîne : centrales d’achat, transports, entrepôts, magasins et services e-commerce.
3. Personnalisation et expérience client
Là où l’IA devient tangible pour le consommateur, c’est dans la personnalisation intelligente :
- Suggestions de combinaisons Foodbag / Foodprepper selon le planning de la semaine (ex : 2 soirs « cuisine plaisir », 3 soirs « prêt en 5 minutes »).
- Prise en compte des préférences alimentaires (allergies, halal, végétarien, sans lactose, etc.) pour filtrer automatiquement les menus.
- Recommandations dynamiques en fonction de l’historique de commandes, du budget moyen et des objectifs du client (manger plus végétal, réduire le sucre, etc.).
On entre alors dans un véritable co-pilotage numérique du quotidien culinaire : le client décrit sa semaine, l’IA propose un plan de repas mixant Foodbag et Foodprepper, tout en respectant contraintes et envies.
4. Tarification dynamique et pilotage de la marge
Dans un contexte de forte pression concurrentielle – Albert Heijn agressif, promotions exponentielles, guerre des prix en non-food – chaque nouveau service doit être rentable. L’IA permet :
- d’ajuster finement les prix des boxes selon la composition, la saison, la demande,
- de simuler l’impact d’une promotion ciblée (par exemple pour faire découvrir Foodprepper aux clients Foodbag),
- de suivre en temps réel la marge par menu, par segment de client et par canal.
Cette logique de pricing dynamique maîtrisé est au cœur du commerce intelligent : on ne vend pas qu’un produit, on orchestre un mix service-prix-expérience cohérent pour chaque client.
Ce que les autres enseignes belges peuvent apprendre de Foodprepper
Foodprepper est un signal fort : l’ultraconvenience n’est plus un gadget, c’est un territoire stratégique sur lequel les enseignes belges doivent se positionner – avec l’IA comme colonne vertébrale.
1. Penser en « solutions de vie », pas seulement en catégories produits
La vraie question n’est plus « Quel assortiment dans mon rayon traiteur ? », mais :
- Comment aider une famille bruxelloise surchargée à manger mieux en 15 minutes chrono un soir de semaine ?
- Comment proposer à un jeune actif liégeois une semaine type qui limite les passages au magasin et le gaspillage ?
Foodprepper comme Foodbag incarnent cette évolution : on vend une solution clé en main à un problème de vie quotidienne. L’IA ajoute la capacité de personnaliser cette solution à grande échelle.
2. Mutualiser données et capacités au sein du groupe
Colruyt Group a un avantage : il peut croiser les données de multiples activités (magasins, e-commerce, carburants, services, boxes repas…). Pour tout retailer belge, le réflexe à adopter est le même :
- casser les silos de données entre canaux physique et digital ;
- connecter les systèmes d’achats, de prévision, de pricing et de CRM ;
- utiliser l’IA non pas comme un gadget isolé mais comme un fil rouge de décision.
Foodprepper profite ainsi indirectement de tout l’écosystème Smartmat–Foodbag–Colruyt : meilleure visibilité sur les tendances, sur les prix, sur les comportements.
3. Partir petit… mais avec une vision IA dès le départ
On pourrait croire qu’il faut un budget colossal pour se lancer. L’histoire de Foodprepper rappelle l’inverse :
- une intuition client forte (le manque de temps et la charge mentale),
- un MVP testé de façon artisanale,
- puis une montée en puissance industrielle et data-driven.
Pour une enseigne régionale, un groupe de magasins bio ou un acteur spécialisé, l’enjeu est de :
- Identifier un cas d’usage clair (par exemple un service de paniers prêts pour la semaine, ou une gamme de repas ultra-rapides pour étudiants),
- Collecter les données de base (ventes, saisons, retours clients),
- Déployer progressivement des briques IA simples : prévision de vente, segmentation clients, recommandations,
- Garder une vision intégrée : au bout du chemin, l’objectif est un commerce réellement intelligent, où chaque décision opérationnelle est guidée par la donnée.
Vers une nouvelle génération de retail alimentaire intelligent
Foodprepper illustre parfaitement la convergence de trois tendances lourdes du retail belge :
- la quête d’ultraconvenience sans sacrifier le plaisir et la santé ;
- l’intégration de services digitaux (commande en ligne, abonnements, recommandations) dans l’offre alimentaire ;
- l’essor du commerce intelligent, où l’IA pilote prévisions, prix, expérience et logistique en coulisses.
Pour les professionnels du secteur, la question n’est plus de savoir si l’IA va s’imposer dans la gestion des boxes repas, du frais ou de la restauration intégrée en magasin, mais comment l’intégrer de manière cohérente à la stratégie globale de l’enseigne.
En 2026, les gagnants seront ceux qui auront su :
- combiner intimité client (comprendre les vraies contraintes de vie),
- excellence opérationnelle (zéro rupture, zéro gaspillage inutile),
- et intelligence artificielle (pour orchestrer le tout en temps réel).
Foodprepper n’est sans doute que la première étape. Demain, verra-t-on des menus générés sur mesure par IA, mixant produits de magasin, plats prêts, robot-cuisine et livraison à domicile, avec un pilotage automatique du budget du foyer ?
La technologie est déjà là . Reste à chaque retailer belge à décider à quel rythme – et sur quels concepts – il veut entrer pleinement dans l’ère du commerce intelligent.